Au creux des vallons du Gers

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L’âge du capitaine

Je vous ai déjà parlé du soldat Séféro, je vous parlerai aujourd'hui du fameux capitaine dont on ne connaît toujours pas l'âge.

Cette histoire de capitaine, je l'ai découverte alors que j'étais à l'école normale à Toulouse. Ce capitaine et son âge ont conduit ma façon d'enseigner: un enfant n'a pas à avaler tout ce que dit l'enseignant, celui- ci doit guider l'apprenant vers la réflexion, la compréhension, le tri des informations et cela dans toutes les matières enseignées. 

Ce marin a refait surface il y a quelques jours alors que Gèrard et moi, préparions le calendrier de l'avent pour La Petite École de Mamilou: une énigme par jour.

 

D’autres énigmes de La Petite École en cliquant ici.

 

Depuis quelques jours, on peut lire sur les rēseaux sociaux:

 

" Aujourd'hui, le monde entier a le même âge!  aujourd'hui est un jour très spécial. Il n'y a qu'une chance tous les 1 000 ans.

 

Votre âge + votre année de naissance, chaque personne est = 2020.

 

C’est si étrange que même les experts chinois et étrangers ne peuvent pas l'expliquer! Essayez."

 

 

J'espère que vous ne jouerez pas à ça avec vos enfants car ils risquent de vous rire au nez. Si votre date de naissance + votre âge ne donne pas l'année en cours, il y a un problème. 

 

Mais que vient faire l'âge du capitaine dans tout cela...J'y viens.

 

Âge du capitaine

 

L'« âge du capitaine » est une expression qui renvoie à un problème énoncé de manière à n'avoir aucune réponse mathématiquement résoluble. Gustave Flaubert, dans une lettre envoyée à sa sœur Caroline en 1841, le pose de cette façon:

  • « Puisque tu fais de la géométrie et de la trigonométrie, je vais te donner un problème : Un navire est en mer, il est parti de Boston chargé de coton, il jauge 200 tonneaux, il fait voile vers Le Havre, le grand mât est cassé, il y a un mousse sur le gaillard d'avant, les passagers sont au nombre de douze, le vent souffle N.-E.-E., l'horloge marque trois heures un quart d'après-midi, on est au mois de mai…. On demande l'âge du capitaine? »

 

 


Nombreux sont les ēlèves qui ont eu à résoudre cette énigme. Les réponses sont parfois incroyables. 

En Chine, classe de CM2

Si la majorité des élèves a passé son tour en écrivant sur sa copie : « L’âge du capitaine est… Je ne sais pas. Je ne peux pas résoudre ça », un élève a proposé une réponse plutôt pragmatique : « Le capitaine a au moins 18 ans, parce qu’il doit être adulte pour conduire le navire. »

 

Académie de Grenoble classe de CM1

«Que penses-tu de ce problème ? ».

Cette question nous a permis de constater que, bien qu'ils donnent une réponse, certains élèves expriment un doute sur le problème : «il est un peu bizarre»

ou encore

- «Le capitaine du bateau a 36 ans.

- ]e trouve que c'est bien, mais Je ne vois pas quel rapport entre des moutons et un capitaine».

 

 

Réflexion pédagogique

Cet énoncé a été conçu pour amener les enfants à sortir des sentiers battus. Certaines enquêtes montrent que les élèves des écoles primaires manquent de conscience critique en ce qui concerne les mathématiques en particulier. En réalité, ce problème de maths n’a pas de réponse précise. Il avait simplement pour but, de faire réfléchir les élèves autrement que par les chiffres.

 

Si vous souhaitez en savoir plus, je vous conseille de lire  « l’âge du capitaine » de Stella Baruk paru en 1985, ce fut une bible pour moi qui me considère comme nulle en mathématiques.

Elle a proposé à des élèves l'énoncé de  l'âge du capitaine. 

Parmi les 97 élèves, 76 ont donné l’âge du capitaine en utilisant les nombres figurant dans l’énoncé soit 26 + 10 = 36 donc le capitaine a 36 ans.

 

  • Les élèves pensent qu’un problème donné par son enseignant a toujours une solution.
  • L’enfant ne contrôle pas le sens de l’exercice, il se contente de répondre. 

Les enfants sont conscients de l’incohérence de la proposition, mais le contrat didactique classique ne prévoit pas qu’ils doivent se prononcer sur la pertinence du problème. 

 

 

Par ailleurs, lors de la passation des consignes, il est possible d’observer en classe, ce qu’on appelle « l’effet Topaze » :

 

Le professeur réunit des conditions qui permettent la réponse attendue sans que l'élève n'ait eu à investir le moindre sens.

J-M. Zakhartchouk s’indigne d’une simplification trop poussée qui fait perdre à un exercice son intérêt premier.

Exemple très connu :

le professeur demande : « c’est une proposition prin… ? » - « cipale ! », répondent les élèves en chœur.

Ce sont des questions sans intérêt et qui ne font pas progresser les enfants dans leurs recherches ni leur démarche en tant qu’acteurs de leurs apprentissages.

 

Tout au long de ma vie d'institutrice et encore aujourd'hui à travers l'association La Petite École de Mamilou, je m'efforce de passer un contrat de confiance avec les enfants. Il est hors de question de les laisser seuls face aux apprentissages. Guider, oui, mais surtout aider à réfléchir, trier les informations, douter. Le maître n'est pas tout puissant. L'apprentissage de nouvelles notions est accompagné des représentations que l'on s'en fait. Je n'ai jamais laissé un enfant sur le bord du chemin, et ainsi il en sera jusqu'au bout.

Pour conclure, je vous invite à écouter ce chercheur toulousain que j'adore, André Antibi. Il est brillant, amusant et jubilatoire.

 

 

Pour écouter la conférence d’André Antibi, cliquez ici.



07/12/2020
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